top of page

Retour en Cargo : En mer (suite)


Retour en Cargo : En mer (suite)

Le jour 11, on se réveille avec une vue sur le Maroc et l’Espagne en même temps : on est arrivés au détroit de Gibraltar. Autour de nous, des dizaines d’autres bateaux qui s’avancent (cargos, ferries, voiliers). On voit plusieurs bans de dauphins. On est collés au pont, on n’ose pas rentrer de peur de louper quelque chose. Puis, on l’aperçoit : Algésiras. Le bateau stoppe un peu au large : on doit attendre notre tour pour que le bateau pilote vienne et nous conduise à notre emplacement. Nos compagnons de voyage descendent ici. L’abeille nous guide jusqu’à notre « emplacement ». On voit aussi un pilote du port monter sur le cargo en pleine mer par une échelle de corde pour aider le Capitaine à se diriger dans les canaux. On se cale entre deux autres cargos et on peut désormais voir la différence avec le petit port de Natal. Ici, il y a des grues et des cavaliers, une grande agitation et le port à perte de vue. On passe l’après-midi le nez en l’air à suivre le mouvement des conteneurs. On en découvre même qu’il y en a dans la cale, avec un bateau de plaisance. Le vent souffle très fort. Le capitaine Didenko s’amuse car il nous prédit du mauvais temps pour passer le Golfe de Gascogne… Il nous conseille de nous attacher à notre lit. Ça promet. On repart du port à 20h, il fait encore grand soleil et on est les 2 seuls passagers sur ce cargo pour les 6 prochains jours.

On commence à manquer de nourriture fraiche : plus de bananes, plus de pommes, plus de fromage frais et plus de pain de seigle le matin… La nuit suivante est horrible. On ne dort presque pas, les objets tombent au sol. On n’ose pas trop se déplacer de peur d’être malade. Pour prendre la douche, on comprend enfin la poignée qui est dedans, bien utile pour ne pas tomber. On se force quand même à aller manger et dans les escaliers on se trouve projeter contre les murs ! Dommage on n’a pas le droit de mettre le nez dehors on aurait bien respiré un peu d’air frais. Au loin on voit l’horizon alterner avec le ciel… Burp, on se repose. On arrive quand même à se trainer à la cabine de commande et là, le capitaine, tout sourire nous dit qu’il est étonné de nous voir toujours en vie… ah.ah.ah. Il faut apprendre à monter les escaliers en rythme avec le tangage sinon on se retrouve soit à être projeté de 3 marches au-dessus ou de lutter pour lever la jambe. En ce moment, les vagues font 4 mètres de haut, ce qui d’après l’équipage n’est pas beaucoup. Ce cargo peut traverser des vagues mesurant jusqu’à 6 mètres… Ah et si elles sont plus hautes ? Bah, on contourne la tempête ou on attend. Ah oui, bien sûr. On apprend aussi que le Golfe de Gascogne est connu pour ses eaux tumultueuses et son mauvais temps 300 jours par an. Ça n’est pas rare d’y être coincé en attendant que la tempête passe à la mauvaise saison entre décembre et mars. Sur d’autres traversées, les officiers nous disent que c’est déjà arrivé de perdre des conteneurs ! Au moment où le bateau passe la vague, ça fait un bruit d’enfer, on croirait presque que la coque est trouée ! Pas facile de trouver le sommeil !

Le jour 14, en fin de journée, le temps se calme et on a le droit à du vin à table pour fêter ça ! Le jour 15, vers midi, on commence à remonter la Tamise afin d’arriver à notre deuxième étape : Tilbury en Grande-Bretagne. On se pose sur le pont au soleil et on regarde inlassablement défiler les berges habitées ou les bateaux que l’on croise. Tilbury est aussi un grand port, on en repart dans la nuit. Encore de quoi s’occuper à la place de dormir, les manœuvres, les abeilles, la Tamise… Puis on arrive rapidement à Rotterdam en fin de matinée, notre dernière étape avant de poser le pied en France. C’est le plus grand port, on a l’impression qu’il fait la taille d’une ville, on met d’ailleurs toute la matinée à la traverser. On passe devant plusieurs groupes de quais avant de s’arrêter au notre. Encore une fois entre deux autres cargos. Tellement de choses à voir entre les équipes qui s’affairent sur les cargos voisins, sur le nôtre, à quai, sur l’eau…

On voit un bateau venir ravitailler le nôtre en carburant à l’aide d’un gros tuyau, ça prend des heures ! On voit même un bateau de touristes venir faire un tour et prendre des photos avant de repartir. Ici, contrairement à Algésiras et Tilbury, pas de cavalier, les conteneurs sont amenés directement par des camions. Mais toujours pas de piétons sur le quai à part quelques dockers : tous les déplacements se font en voiture ou camion. Techniquement on aurait le droit de descendre à chaque port mais on aurait trop peur de louper l’heure de départ du cargo qui reste aléatoire selon le chargement. Et de toute façon le capitaine Didenko ne voudrait surement pas car à Algésiras, quand on est venus dans la salle dire au revoir à nos co-passagers, il nous a presque hurlé dessus : « Ou allez-vous ??? » « Heu, nulle part… ». Bon donc ok on ne sort pas. On décharge aussi les poubelles à Rotterdam et on fait le plein de nourriture.

Mots-clés :

bottom of page